En I Samuel 26:9-11, nous lisons que David refuse d’attenter à la vie du roi Saün que ce dernier soit à sa recherche pour le tuer. David a pris Saüpiège et Abishaï, le soldat de David, lui demande la permission de le tuer. David répond :

« Ne le détruis pas! car qui étendra sa main sur l’oint de l’Eternel et sera innocent?… si ce n’est l’Éternel qui le frappera, soit que son jour vienne et qu’il meure, soit qu’il descende à la bataille et soit emporté! Loin de moi, de par l’Eternel, que j’étende ma main sur l’oint de l’Eternel! »

Une doctrine dangereuse

Certains ont tiré de ce texte une doctrine dangereuse concernant le responsable spirituel.

Cette doctrine considère que l e responsable pastoral ou apostolique d’un réseau d’assemblées a une position semblable à celle du roi d’Israël. Il est l’oint de Dieu. Aucun processus humain ne peut donc l’enlever de sa position quoiqu’il fasse. Il n’est pas soumis à la discipline de l’assemblée ou même du réseau. C’est lui qui prend les décisions. Même s’il a des anciens ou un conseil, ils n’ont qu’un rôle de conseillers. C’est lui qui détient l’autorité.En cas d’abus, ou si les gens n’aiment pas ses décisions, ils ont deux possibilités : soit ils restent sous son autorité etconfient la situation à Dieu, soit ils quittent discrètement la communauté. De toute façon, ils ne doivent pas créer de remous ou de protestations. Selon cet enseignement, l’autorité du pasteur ou de l’apôtre est absolue. Une fois que l’on sait sur qui a porté le choix de Dieu, on ne peut remettre en question son autorité ou ses décisions car il est dit : « Ne touchez pas à l’oint du Seigneur ». Il est surprenant que ce soit enseigné en maints endroits dans le monde et que même les milieux juifs messianiques aient été touchés. Pour moi, c’est une doctrine destructrice et erronée contre laquelle il faut mettre en garde les croyants.

Voici quelques raisons pour lesquelles cette doctrine n’est pas biblique.

Dans la Nouvelle Alliance, le gouvernement est collégial

Bien que l’onction pour le leadership soit importante, le modèle de gouvernement du Nouveau Testament n’est pas le modèle du roi pasteur ou du roi apôtre. Aucun texte ne soutient cette idée. Certes, je crois dans le rôle d’un pasteur principal ou d’un apôtre (ou “rabbi” dans les assemblées juives messianiques). Toutefois, ce rôle consiste à être le leader d’un collège d’anciens qui ont ensemble la responsabilité des stratégies et des prises de décision. C’est très clair dans le livre des Actes oú une pluralité d’anciens sont nommés pour conduire les assemblées implantées par Paul. Nous ne trouvons pas de référence à un seul chef ancien. Même Yeshoua a formé ses leaders pourqu’ils aient une relation d’égaux avec lui et il les a appelés amis.

La vérité sur l’autorité du roi dans la Bible hébraïque

Cette doctrine laisse de côté d’autres données de la Bible hébraïque. Le roi n’est pas aussi absolu que le laisserait croire le passage de I Samuel. Il ne faut pas oublier que la Bible hébraïque montre la division des pouvoirs entre les sacrificateurs, les prophètes et les gouverneurs civils. Tous étaient responsables devant Dieu. Ayant reçu cette conviction par révélation, David sait qu’il doitfaire le sacrifice d’épargner la vie de Saul. Ce n’est pas vrai pour tous les cas. Le prophète Elisée fait une onction spécifique sur Jéhu pour qu’il ôte la vie des mauvais rois d’Israël et deJuda. Il le fait avec la bénédiction de Dieu (II Rois 9:6-10). En outre, les prophètes d’Israël ont interpellé divers rois, entravant ou diminuant sérieusement ce que ce que ces derniers avaient l’intention de faire. Les prophètes étaient tellement craints qu’il leur arrivait d’être tués ou emprisonnés ou jetés dans une fosse comme ce fut le cas pour Jérémie.

Plus tard dans sa vie, le roi David lui-même sera repris pour son péché par le prophète Nathan. Par contre, la doctrine « Ne touchez pas à l’oint » enseigne que l’on ne doit pas interpeller le pasteur ou l’apôtre. Donc, même si un pasteur commet des péchés, ment, abuse les gens ou tombe dans l’immoralité sexuelle, l’on n’a aucun recours. Certains de ces leaders peuvent être durs et les gens ne tentent même pas de soulever une question justifiée.

La doctrine « Ne touchez pas à l’oint » méconnaît la nature de la communauté néotestamentaire

Un aspect très troublant de cette doctrine, c’est qu’elle ne comprend pas la nature de la communauté néotestamentaire et son édification. En tant que responsables, nous sommes appelés à construire une communauté étroitement liée. Je sais que cette idée va à contre-courant de la mode actuelle oú la « vie d’église » signifie l’assistance à un ou des offices. Par contre, selon la Nouvelle Alliance, la notion centrale de l’église locale est celle d’une communauté liée par l’alliance qui forme des disciples et crée des relations durables (I John 1:7). Si un responsable tombe et qu’il faille le révoquer, la communauté doit être capable de survivre à sa chute puisque les membres ont été édifiés ensemble. Tout membre doit pouvoir commencer un processus de correction pour tout autre membre, y compris un responsable. Matthieu 18 dit : « Si ton frère pèche… ». Le responsable est, avant tout, un frère qui doit avoir le cœur humble d’un serviteur.

Cette valeur centrale selon laquelle la communauté se prend en charge motive les membres du réseau d’assemblées Tikkun en Amérique à participer pour approuver les budgets annuels, approuver la nomination d’anciens et soutenir les principales décisions directionnelles des anciens. La fausse doctrine du leader dictateur fait que la communauté lui appartient alors qu’elle appartient aux membres ; donc, il est demandé aux gens de se retirer et de perdre la communion par respect pour le responsable intouchable.

Les leçons de l’histoire de l’Eglise

Après la naissance de l’Eglise Protestante à la Réforme, de nouvelles formes de gouvernement apparaissent dans les dénominations protestantes. Conscientes de la corruption du style de gouvernement « monarchique » de l’Eglise Catholique Romaine, elles cherchent à mettre un système de contrôle et d’équilibre dans les fondements du gouvernement de l’église.

Nous pouvons en tirer des leçons. Nous encourageons les assemblées et leurs responsables à incorporer un système de contrôle et d’équilibre dans leurs structures, tant au niveau local qu’à celui du réseau. En même temps, des responsables à l’onctionauthentique doivent pouvoir diriger et s’épanouir sans d’excessives restrictions, comme cela se voit parfois. Nous nous efforçons de concilier la sagesse de l’histoire de l’église avec les cinq ministères d’Ephésiens 4:11, surtout le rôle des apôtres et des prophètes. Toutefois, notre approche demeure celle d’assemblées conduites par des anciens dont le leadership est soumis à un système de contrôle et d’équilibre et qui doivent rendre des comptes à l’assemblée et au réseau pour ceux qui sont à ce niveau-là.

Malheureusement, la plupart des croyants se contentent d’assister à des offices oú ils font une bonne expérience et suivent un bon programme. Dans le choix d’une assemblée, la question de la structure du gouvernement des responsables devrait être un élément central. Certains dans le mouvement néo-apostolique enseignent le modèle monarchique de l’apôtre dictateur comme si c’était le modèle biblique. On trouve également dans le judaïsme ultra-orthodoxe des systèmes qui enseignent un parallèle juif de ceci oú tous se soumettent à leur chef rabbi dans un style monarchique. C’est une grave erreur qui relève, en tout cas, du culte de la personnalité. Beaucoup en ont été détruits suite à l’abus financier, sexuel, personnel et autres types d’injustice dont ils ont souffert.

Finissons-en avec cette doctrine néfaste et non biblique qui trouve sa source dans l’orgueil et l’insécurité. Que Dieu suscite des responsables qui sont assez forts et sürs d’eux-mêmes pour rendre des comptes. J’ai suivi ce principe toute ma vie, m’efforçant toujours de donner l’exemple de la transparence dans toutes les positions de responsabilité oú j’ai eu le privilège de servir. Si je ne suis pas prêt à me laisser corriger, reprendre, et même révoquer en cas de péché, je ne suis pas qualifié pour conduire le peuple de Dieu.

Par Dr. Daniel Juster

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